L’économie capitaliste, guidée par les normes comptables de l’IASB et les règles des IFRS, fait face à deux grandes crises :
Les principes de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) ne sont pas respectés partout, et les lois internationales sur l’environnement sont encore peu développées. Actuellement, la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), encadrée par la norme ISO 26000 (non obligatoire) ou les normes CSRD pour les grandes entreprises européennes, reste la meilleure initiative disponible.
Cependant, selon certains experts, il est impossible de résoudre ces problèmes sans réformer la comptabilité des entreprises. Ils proposent un nouveau système :
Ce modèle vise à gérer les entreprises de manière plus écologique et humaine, tout en respectant la propriété privée et l’économie de marché.
Le salarié et la nature dans la comptabilité actuelle
Le passif au bilan regroupe les ressources financières utilisées par une entreprise pour financer ses activités et ses actifs. Ces ressources proviennent :
Le capital, constitué des apports des propriétaires, est une forme particulière de dette :
La préservation du capital est essentielle pour assurer la viabilité de l’entreprise. Dans un modèle classique, cela concerne uniquement le capital financier, géré par des mécanismes d’investissements et d’amortissements.
En revanche, les dépenses liées à la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises), comme :
Cette approche priorise le capital financier comme une contrainte stricte, tandis que les salariés et la nature deviennent des variables ajustables pour maximiser les profits. Cela crée un déséquilibre, opposant les humains entre eux et les humains à la nature.
Les principes de la comptabilité en triple capital
La comptabilité classique ne prend pas en compte certaines variables clés, comme les impacts sociaux et environnementaux. La comptabilité triple capital élargit cette vision en intégrant trois dimensions de performance :
Dans ce modèle, les dépenses liées au social et à l’environnement (salaires, actions sociétales, efforts environnementaux) ne sont plus considérées comme de simples coûts. Elles deviennent des investissements valorisés, inscrits dans des comptes spécifiques et amortissables, comme les investissements financiers traditionnels.
Ainsi, le capital social et le capital environnemental sont ajoutés au bilan de l’entreprise, au même niveau que le capital financier. Cela permet de mesurer la véritable valeur de l’entreprise, en tenant compte des effets positifs ou négatifs de son activité sur la société et l’environnement.
Adopter ce modèle offre plusieurs avantages :
Cette approche aide les entreprises à combiner performance économique, responsabilité sociale et préservation de l’environnement.
Exemple de mise en œuvre : la méthode CARE appliquée à l’environnement
La Comptabilité Appliquée au Renouvellement de l’Environnement (CARE) est un modèle de comptabilité développé par Jacques Richard et Alexandre Rambaud.
Il intègre dans le bilan de l’entreprise :
Ce modèle repose sur quatre principes pour aider les entreprises à respecter les limites écologiques et à renouveler les ressources naturelles qu’elles utilisent :
Fonctionnement concret :
Ce modèle vise à responsabiliser les entreprises et à intégrer pleinement les enjeux écologiques dans leur gestion comptable.
Les entreprises françaises et la comptabilité CARE
40 % des entreprises engagées dans le programme Convention des Entreprises pour le Climat (CEC) ont décidé d’adopter la comptabilité triple capital d’ici fin 2023 (source : Baromètre CEC).
Cependant, il existe encore peu de données précises sur le nombre total d’entreprises utilisant le modèle CARE, bien que son adoption progresse, surtout en France.
Ce modèle intéresse les organisations souhaitant intégrer sérieusement les dimensions écologiques et sociales dans leur gestion comptable.
Repères historiques sur la comptabilité CARE :
Ce modèle reste encore peu répandu mais continue d’attirer l’attention des entreprises soucieuses d’intégrer les enjeux environnementaux dans leur gestion.
Le point de vue de l’expert-comptable : avantages / inconvénients (ou limites)
La comptabilité Triple capital repose sur une vision holistique de la performance d’une entreprise, évaluant non seulement ses résultats financiers, mais aussi son impact sur la société et l’environnement.
Avantages de la comptabilité triple capital
1. Vision globale de la performance
2. Amélioration de l’image et de la réputation
3. Gestion des risques
4. Alignement avec les objectifs de développement durable (ODD)
Inconvénients de la comptabilité triple capital
1. Complexité de mise en œuvre
2. Absence de standardisation
3. Coût élevé de mise en place
4. Subjectivité dans l’évaluation
La comptabilité triple capital représente une évolution nécessaire pour intégrer les enjeux sociaux et environnementaux dans la gestion des entreprises. Bien qu’elle présente des défis, ses avantages, notamment en termes de durabilité, de gestion des risques et de création de valeur à long terme, en font un outil stratégique pour les entreprises visionnaires. Cependant, pour en tirer pleinement parti, il est essentiel de surmonter les obstacles liés à la complexité, aux coûts et au manque de standardisation.
Citation
« En sacralisant la conservation du capital financier, on exclut les autres types de capitaux, à savoir le capital environnemental et le capital humain, tout aussi essentiels à la vie de l’entreprise » (Jean Richard, expert-comptable de formation et professeur émérite à l’université Paris Dauphine.)