Mars 2024 / Temps de lecture estimé : 2 minute(s)
L’affaire « Fun and pro », dans laquelle un salarié avait été licencié parce qu’il ne partageait pas les valeurs dites « fun and pro » de son entreprise, vient de connaître un nouvel épisode avec l’arrêt de la Cour d’appel de renvoi de Paris rendu le 30 janvier dernier. On vous explique ce qu’il faut retenir de cette décision.
Les faits
Un salarié avait été engagé en 2011 en tant que consultant senior, au sein d’une société de conseil. En 2015, il est renvoyé à cause de son insuffisance professionnelle. Selon son employeur, il n’était pas aligné sur les valeurs dites "fun et pro" de l’entreprise.
Le salarié décide de porter l’affaire aux Prud’hommes, estimant avoir été renvoyé en raison de son "comportement critique et son refus d'accepter la politique de l'entreprise basée sur l'incitation à divers excès". Il reprochait en effet à celle-ci "la nécessaire participation aux séminaires et aux pots de fin de semaine générant fréquemment une alcoolisation excessive”, ainsi que “des pratiques prônées par les associés liant promiscuité, brimades et incitation à divers excès et dérapages”.
Après une première décision rendue en sa défaveur, la Cour de cassation a assuré au salarié qu’il était dans son bon droit : "le licenciement est intervenu en raison de l'exercice par le salarié de sa liberté d'expression”. Elle rappelle par ailleurs que « le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l’exercice, par le salarié, de sa liberté d’expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement ».
Pas question, donc, de licencier un salarié lorsque celui-ci a simplement fait usage de sa liberté d’expression.
Enfin, le 30 janvier dernier, la Cour d’appel de renvoi a estimé que « le grief tiré de la dénonciation d’agissements de harcèlement par le salarié entraîne à lui seul la nullité du licenciement sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres griefs dans la lettre du licenciement à l’encontre du salarié ». Elle a prononcé sa réintégration dans l’entreprise et a condamné l’employeur à lui verser près de 500 000 € d’indemnités.
Ce qu’il faut retenir de cette affaire
Cette affaire est importante car elle met en lumière les limites des valeurs prônées par l’entreprise. Ainsi, les valeurs et les activités de l’entreprise, même lorsqu’elles sont qualifiées de “fun”, ne peuvent pas empiéter sur les droits individuels des salariés, et notamment leur liberté d’expression. De fait, un désalignement culturel ne peut justifier un licenciement.
L’employeur ne peut pas s’immiscer dans la vie privée de ses salariés pour leur imposer des activités en dehors du temps de travail, sous prétexte de l’existence d’un lien de subordination. Ceux-ci restent libres de refuser de participer à des activités organisées hors du temps de travail (apéros, soirées, etc.), ce qui ne saurait constituer un motif de licenciement pour insuffisance professionnelle. Ils restent également libres de ne pas partager les valeurs de l’entreprise.
La règle à retenir est celle-ci : sauf en cas d’abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.
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